lundi 11 juin 2012

La wikipédia italienne de nouveau menacée ?

Le 4 octobre 2011, la wikipédia italienne cessait de fonctionner pour près de 48 heures. Quiconque souhaitait consulter l’un des 700 000 articles de l’encyclopédie, était automatiquement redirigé vers un communiqué alarmiste signé des « utenti de wikipedia ».

Huit mois plus tard, la situation pourrait bien se répéter. Depuis hier au soir, toutes les pages de la wikipédia italophones sont bardées d’un sitenotice ainsi conçu :


La cause de ce second appel à l’aide est familière. Il s’agit une fois de plus du projet de loi DDL et de son corollaire tristement célèbre, le comma 29. Le projet, qualifié aussi de « loi des écoutes » vise d'une manière générale à renforcer les sanctions contre la presse, dans l'objectif plus ou moins avoué, de bâillonner le « quatrième pouvoir » — son rôle actif dans la divulgation de divers scandales politico-judiciaires commence à embarrasser les élites italiennes. Procédant à plusieurs adjonctions à l'article n°8 de la loi du 8 février 1948, le comma (ou alinéa) 29 s'attaque plus spécifiquement aux sites internet.

Comme je le soulignais dans une analyse approfondie, le strict respect des prescriptions du comma a des conséquences lourdes. Tout texte jugé diffamatoire par un particulier doit être aussitôt remplacé par un rectificatif, rédigé par celui-ci ou un de ses représentants. Le non-respect de ces dispositions entraîne le versement d'une lourde amende (jusqu'à 12 000 euros). A l'instar du SOPA américain, la justice n'est pas du tout impliquée dans ce processus. Le particulier est seul juge du caractère diffamatoire du texte visé. Sa seule appréciation détermine son retrait.

Déjà plusieurs fois retardé depuis 2009, l'examen de la DDL a été de nouveau suspendu en octobre dernier. Le blackout de la wikipédia italienne et les réactions qui s'en sont suivies ont sans doute pesé dans l'affaire. D'autres facteurs sont sans doute également entré en ligne de mire : la perte graduelle d'influence de Silvio Berlusconi qui finira par démissionner le mois suivant, l'importance graduelle de la crise de la dette… Tout incitait à reporter une loi devenue secondaire, en sus d'être impopulaire, dans un contexte aussi grave.

Si, aujourd'hui, le technocrate Mario Monti remplace Berlusconi, l'Assemblée n'a pas bougé. Il s'agit toujours de la XVIe législature. Celle issue des élections générales de 2008. Celle qui a proposé une première mouture de la DDL en 2009. Celle qui compte bien la faire aboutir…

De fait, si ce n'est la date, rien n'a changé. Le projet qui sera présenté aux députés à partir du 19 juin n'a apparemment pas beaucoup évolué depuis octobre.

A la même cause répondent les mêmes effets. Passablement inquiets, les wikipédiens italophones ont rapidement réagi. Dès le 31 mai, le bistro local (ou « bar ») commence à brainstormer sur le sujet. Plusieurs informations (et interprétations) contradictoires surgissent. Zerosei rapporte ainsi qu'une institution publique influente, l'AGCOM, dénonce plusieurs dispositions de la DDL :
L'AGCOM refuse catégoriquement le masquage des sites, même lorsqu'il y a une violation du copyright. 
Un consensus se dégage rapidement. Il est évidemment hors de question de procéder à un blackout, tant que l'on ne dispose pas de plus de précisions sur l'avancée des travaux parlementaires. Par contre, un sitenotice permet de marquer le coup et de prendre rapidement position. En témoigne, l'échange suivant :
Phyrexian — Je suis également favorable à une bannière dès maintenant. On pourra envisager des mesures plus lourdes si la situation ne s'arrange pas. La bannière permet de mettre l'accent sur le fait que nous sommes à nouveau contraints de procéder comme en octobre. Par contre, nos sources se limitent pour l'instant à un seul article de journal ? Rien d'officiel à ce propos. Nous ne pouvons quand même pas mettre une bannière comme cela, au hasard.
Codicorumus — Je suis favorable à une bannière maintenant, suivie peut-être d'autres initiatives. Pour les sources, voir la section documentation.
Patafisik — OK, à ce stade je suis pour la bannière. 
Plusieurs propositions de sitenotice s'ensuivent. Elles sont destinés à informer wikipédiens et lecteurs du danger qui menace. Et, par la même occasion, à réaffirmer le caractère inconditionnel des principes fondateurs :
Si cette loi est approuvée, nous serions obligés de modifier le contenu de plusieurs articles, indépendamment du respect du principe de vérifiabilité et sans qu’il soit possible de le modifier ultérieurement. De telles exigences constituent une limitation inacceptable de l’autonomie de Wikipédia. Elles dénaturent les principes fondateurs de notre encyclopédie (Traduction libre du sitenotice finalement retenu).

Aucun commentaire: