lundi 7 mai 2012

Contestateurs systématiques

L'adoption de la procédure de contestation du statut d'administrateur (ou CSA) avait été tortueuse. Dès 2006, une PDD un peu monstrueuse sur la Limite du mandat d'administrateur incluait une proposition 3 bis, ainsi conçue :
Après un problème avéré lié à l'utilisation des outils d'administration, noté sur la page de plainte pour admin, un vote de destitution peut être lancé si le demandeur a l'appui d'au moins 3 autres contributeurs.
La proposition est finalement rejetée par 18 voix contre 33. Elle revient subrepticement sur le tapis quatre ans plus tard. Le 19 août, une Prise de décision sur la contestation du statut est ouverte. Elle débouche dix mois plus tard sur une situation très paradoxale : la contestation est admise en principe, mais toutes les modalités proposées sont finalement rejetées.

Une seconde prise de décision devient nécessaire. Après moult discussions, vote, discussions sur le vote et vote sur la discussion, le système actuellement en vigueur est adopté : un administrateur doit renouveler son statut si six contributeurs autoconfirmed soulignent, diff à l'appui, qu'il a abusé de ses outils ou perdu la confiance de la communauté. Nulle instance n'est chargé d'évaluer a priori la validité de ces argumentations. Il existe par contre une sorte de validation a posteriori : la communauté encyclopédique n'est pas seulement appelée à juger de l'administrateur mais aussi de la validité des motifs.

Ce processus très graduel n'a pas véritablement permis d'éluder toutes les difficultés. En son état actuel, le CSA porte un certain nombre de dérives. Certains administrateurs se sont ainsi retrouvés contestés pour des motifs que l'on jugerait risible dans le meilleur des cas. En témoignent ainsi certains avis déposés à l'encontre de Lgd, ou encore les contestations en cascade récemment ouvertes par Guil207.

A ce stade, on mesure un risque assez sensible : six contributeurs mal lunés peuvent forcer le renouvellement de la plupart des administrateurs de wikipédia. Le « ticket d'entrée » est faible. Il suffit d'avoir produit une cinquantaine de contribution pour déposer son avis ; la validation dépend d'un simple diff qui n'est guère compliqué à fournir (la notion de « perte de confiance » est particulièrement extensible).

Une petite dystopie en guise d'exemple…

Supposons qu'une demi-douzaine d'anti-wikipédiens se met en tête de destabiliser l'encyclopédie, soit par jeu ou par conviction. Pour simplifier les choses, appelons-les Toto1, Toto2, Toto3 etc. Pendant une semaines, ils s'amusent à corriger une cinquantaine de fautes d'orthographes. Puis, ils passent à l'assaut. Ils commencent par les cas les plus aisés : sur les 194 administrateurs en exercice, il s'en trouve certainement quelques uns qui ont eut un mot de travers au cours des trois derniers mois. C'est suffisant, pour argumenter sans trop de difficulté en faveur d'une perte de confiance. On obtiendrait ainsi :

 

Puis ils intensifient l'offensive et s'attaquent à quiconque dispose d'un statut. A terme, on prend des mesures extraordinaires sur le bulletin des administrateurs. La petite camarilla est bloquée pour cause de désorganisation de l'encyclopédie. La procédure de CSA est suspendue temporairement, voire définitivement en attente d'une réforme structurelle. Et on commence à évaluer tous les dégâts de l'affaire.

Certes, le renouvellement ne pose pas vraiment de problème : le sort de l'administrateur dépend du jugement de la communauté. Celle-ci ne confortera certainement pas les opinions d'une demi-douzaine de « contestateurs systématiques ». Néanmoins, cela représente une certaine perte de temps, à la fois pour l'administrateur (qui doit s'échiner à se défendre au lieu de se consacrer à des activités plus utiles pour l'encyclopédie) et pour la communauté (tout-le-monde est appelé à voter et argumenter). On pourrait aboutir à la situation suivante, où des administrateurs respectés se retrouvent contraints de se défendre envers et contre tout :



Une procédure en quête d'ajustements

Autant dire que mon exemple dystopique est volontairement excessif. Il y a peu de chance qu'une telle dérive advienne : cela réclamerait six individus disposant de six connexions distinctes (autrement, une simple RCU suffirait pour invalider les contestations). En outre, ces individus doivent disposer d'une connaissance particulièrement fine de Wikipédia : saisir les implications du CSA n'est pas à la portée du premier venu. Néanmoins, les règles actuelles ouvrent une brèches suffisantes pour rendre la dystopie possible. 

 Un peu plus de cinq mois après l'ouverture du CSA (et une dizaine d'expérimentations, dont près de la moitié ont débouché sur une consultation communautaire), il serait peut-être temps de commencer à réfléchir à un ajustement. Je vois trois directions possibles. 

 La première, et la plus simple, consisterait à relever le « ticket d'entrée ». On pourrait ainsi se cantonner à ne prendre en compte que les abus d'outils. Or, la communauté a déjà exprimé son rejet de ce type de disposition. La faire revoter jusqu'à parvenir au « bon résultat » ne paraît pas véritablement envisageable. 

 La seconde présupposerait d'imposer un quota de contestations : un contributeur ne peut pas contester plus de X administrateurs à la suite. Cela permet d'éviter les contestations systématiques. Cependant, on risque de remplacer un problème par un autre. A partir du moment où un contributeur se joint à une ou deux contestations, il ne peut plus réagir à un abus manifeste d'un administrateur à son encontre. 

 La troisième et dernière aurait ma préférence. Elle impliquerait d'ajouter une question supplémentaire à chaque consultation : « est-ce que les motifs de la contestations vous paraissent valables ? ». Le règlement actuel prescrit en effet que « En cas de litige, la contestation reste ; la validité des motifs sera examinée par l’instance chargée de faire aboutir ou non la contestation [soit] par la communauté au cours du vote de confirmation. » Concrètement, chaque utilisateur est appelé à juger à la fois du maintien du statut de l'administrateur contesté et de la validité des motifs de consultation, soit deux choses éminemment distinctes. Cette adjonction m'a souvent gêné : même lorsque je n'ai pas véritablement confiance en l'administrateur contesté, il n'est pas envisageable d'accepter purement et simplement des motifs douteux ou datés. 

 En consacrant une question spécifique la validité des motifs, on astreint les contestataires à un minimum de responsabilité. En cas de rejet massif de leurs argumentations, des sanctions pourraient être envisageable. Cela permettrait sans doute de prévenir un usage purement gratuit de la procédure.

8 commentaires:

Coyote du 86 a dit…

Et dire que certains souhaitaient que même les IP puissent contester...

Même le "garde fou" des 50 contributions n'est pas suffisant !

Meodudlye a dit…

On croirait lire indif qui dit que ceux qui votent contre le CAr c'est des méchants et que pour les empêcher de nuire au CAr, il suffit de ne pas compter les votes contre.

Il y a plein d'admins qui ne posent pas de problèmes et qui ne seront pas contestés. Si les admins utilisent leurs outils pour les bonnes raisons (protéger l'encyclopédie), ils ne craignent rien. Par contre, ceux qui les utilisent pour aider leurs copains, eux sont dans une position plus délicate

C'est d'ailleurs sachant cela très exactement que les copains de GL ont fait revenir Popo pour le soutenir (et tant qu'a faire, aller voter contre ceux qui ont voté contre GL).

Cette procédure est donc parfaitement efficace, et elle joue pleinement son role.
Seuls les admins problématiques sont sérieusement contestés. Ceux qui ne posent pas de problème ne craignent rien d'autre que l'ire des amis des contestés, comme Juraastro, par exemple, dont la contestation a été ouverte officiellement en représaille de celle de GL.

Cela dit, il n'est pas étonnant qu'un de ceux qui s'était donné comme role de protéger les admins (par exemple Moez, pour ne pas le citer, qui a été privé de son balai dès qu'on a demandé son avis à la communauté, quand les CAr n'avaient rien trouvé à redire de son usage très personnel de celui ci), soit chagriné de ne plus pouvoir le faire. Si tu ne leur sers plus à rien, peut-être te laisseront-ils tomber comme une vieille chaussette (comme Hamelin, par exemple) ?

LittleTony87 a dit…

J'ai juste envie de demander : "quel est le problème ?" Si les motifs sont cohérents, l'admin risque sa peau (et encore, en 3 contestations, un seul y est "passé"), sinon, ça n'aboutit pas. Dédramatisons, que diable ! Y'a pire sur WP...

Buisson a dit…

Salut :)

Tu pointes un problème qui pourrait théoriquement se poser.

Personnellement j'ai été surpris lors de la PDD que la communauté ait choisi de rendre la procédure de contestation aussi simple.

Maintenant que c'est fait, j'ai envie de te répondre ce qu'on m'a souvent répondu quand je pointais, sur d'autres sujets divers et variés, un problème pouvant éventuellement survenir : tant que c'est pas cassé, on touche à rien. ;)

Et puis je pense que cette procédure est une bonne chose. Il y a certains admins bien installés qui ont du mal à supporter les critiques sur leur manière de faire, y compris parmi ceux que tu désignes comme étant des "administrateurs respectés" : avoir cette épée de Damoclès au dessus de la tête est donc un garde-fou utile.

Cordialement

PS : juste pour répondre à Meodudlye. Je pense que Popo, depuis quelque temps, fait ce que de plus en plus de contributeurs font ou vont faire, c'est à dire utiliser deux comptes : un compte "politique" avec lequel il vote et un compte "contributeur" avec lequel il effectue la grande majorité de ses contributions pour être tranquille. Donc, je ne pense pas qu'il ait eu besoin de "revenir".

Si c'est le cas, c'est une attitude que je comprend tout à fait, tant il est vrai (et surprenant vu que ce projet est censé attirer des gens animés de nobles intentions) que la rancune entre contributeurs peut être forte et se traduire, parfois, par un véritable harcèlement dans tous les domaines...

Meodudlye a dit…

@Buisson. Je ne sais pas si il a d'autres comptes (et je m'en cogne en fait). Cela prouve juste, si besoin en était encore, qu'il n'est la que pour jeter de l'huile sur le feu, et troller pour aider ses copains. Quand à savoir si c'est compréhensible ou pas, chacun son avis. Si il ne s'était pas comporté aussi ridiculement qu'il l'a fait, peut-être n'aurait-il pas ressenti le besoin de se cacher sous terre de honte?

Anonyme a dit…

Vu que mon pseudo est cité je me permets de donner une explication à mes contestations.

Concernant Juraastro et Kelam, je ne voyais pas pourquoi seulement GL serait confronté à la procédure de confirmation alors que les wikipédiens "adverses" ne le seraient pas. ça m'a vraiment agacée de voir que la requête de Kelam était immédiatement prise en charge alors que le pékin moyen doit parfois attendre longtemps avant d'avoir une réponse. Et ça énerve encore plus lorsque ça concerne un énième conflit des inimitiés bien connues.

Concernant Butterfly austral (et j'aurais pu rajouter Udufruduhu), j'étais choquée par leurs réponses suite à une demande de RA. Apollofox demandait une intervention et on lui répond qu'on n'a pas lu sa requête (!!) et qu'il doit aller sur "Wikipédia:Contestation du statut d'administrateur qui est fait pour cela. La communauté l'a voulu cette procédure, alors utilisons là et arrêtons d'encombrer les RA pour cela." et "Le RA est spécifique et doit le rester. Oui il y a Wikipédia:Contestation du statut d'administrateur."

Je trouve ces réponses stupides et à côté de la plaque : prendre un canon pour écraser une fourmi. Alors, j'ai décidé d'en prendre un au mot puisque manifestement pour lui, la procédure de contestation est une procédure comme les autres et qu'il ne faut pas encombrer les RA.

Guil2027

SammyDay a dit…

Salut Alexander

je réagis à l'une de tes phrases. "même lorsque je n'ai pas véritablement confiance en l'administrateur contesté, il n'est pas envisageable d'accepter purement et simplement des motifs douteux ou datés". Et tu souhaiterais qu'on disjoigne les deux.

Je te fais donc remarquer que, en tant qu'arbitre, tu as dû plusieurs fois te prononcer à la fois sur l'existence d'un conflit entre deux contributeurs, et sur les arguments qu'ils présentent pour l'établir.

Comment fais-tu cette distinction dans ce cas ?

Jean-Jacques Georges a dit…

Même si certaines contestations peuvent clairement être abusives et faire perdre leur temps à tout le monde, je ne pense pas que leur nuisance soit en quoi que ce soit supérieure - ni même comparable - à l'utilité de la procédure. Et même si je vois la logique du raisonnement, il me semblerait problématique de limiter les capacités des utilisateurs à contester les administrateurs. Après tout, je ne vois pas pourquoi plusieurs administrateurs en même temps ne pourraient pas être problématiques, et pourquoi ils ne pourraient pas être contestés par une même personne, si les reproches sont fondés. Si quelqu'un conteste systématiquement des administrateurs sans aucune raison valable, il se discréditera de lui-même en lassant tout le monde - d'autant qu'il risque fort d'être tout seul, je rappelle qu'il faut six utilisateurs pour qu'une contestation entraîne un vote ; si les raisons de la contestation sont valables,la communauté se prononcera, et c'est tout. A mon sens, il n'y a vraiment pas mort d'homme, même si c'est parfois désagréable : il y a de bien plus grandes injustices sur wikipédia. Je pense que toutes ces questions ne se poseraient pas si les mandats d'administrateurs n'étaient pas limités dans le temps, ou du moins soumis à renouvellement obligatoire et périodique, mais c'est une question plus vaste et on n'en est pas encore là.