samedi 13 août 2011

wiki-roman-feuilleton (8/60)

Elikia avait bouclé sa journée plus tard que d'habitude. Cela ne l'embêtait pas outre mesure. Il avait pu abattre le boulot du mois : le tri et le réordonnement de 2300 catégories liées à l'automobile. Il était en avance sur son schedule. Les objectifs de demain, d'après-demain et des deux jours suivants étaient déjà atteints. Il se conformait à l'image de l'employé-modèle telle que véhiculée par la doctrine du détachement relationnel. La hiérarchie serait contente de lui. Il allait pouvoir demander un congé. Sa famille résidait au Bandundu, une ancienne région de l'ex-Congo-Kinhasa qui avait accédé à l'indépendance au cours de la décennie 2010. Dominée pendant près de 20 ans par un dictateur éclairé, le pays avait fait récemment l'acquisition d'un régime démocratique. Elikia comptait demander prochainement sa mutation sur place. Tout dépendrait de ces états de service au sein de la Fondation, qui sans atteindre les proportions quasi-masochistes de ceux de Ramaad demeuraient excellents. Ainsi que de la perpétuation d'un certains nombre de réseaux personnels dans son ancienne patrie.

Délivré du poids pénible de ces imbitables catégories, l'esprit d'Elikia s'abandonnait à des conjectures sans fin. Pour un peu, il en aurait manqué son métro. Quelque chose l'avait heureusement rappelé à l'ordre. Il avait senti un visage familier se poser sur lui. Il se retourna. Il vit Ramaad, debout, à une dizaine de mètres de là, juste sous l'enseigne lumineuse annonçant les horaires du train. Il n'avait pas l'air de le regarder. Les portes s'ouvraient et il était tout prêt de s'engouffrer dans le troisième wagon. Elikia pressa le pas et le rejoignit juste avant le départ du métro.

— Tiens, tiens… Tu ne prends pas le RER aujourd'hui ?
— Non. J'ai un date dans le centre-ville.
— Tu descend où ?
— Chemin vert. Et toi ?
— Deux stations plus loin. Aux Filles du Calvaire.
— Ah… Je ne pensais pas que tu habitais par là.
— Ben si, comme tu vois.

Le métro avançait lentement. Du moins comparativement au RER de Ramaad, qui traversait une bonne partie de l'Île-de-France en une demi-heure. En dehors de quelques aménagements mineurs, la ligne 8 n'avait pas fondamentalement évoluée depuis le début du siècle : pas de wagons de tête coulissants, pas de soutien à air comprimé… Voire dans certaines stations, pas de portes automatiques. Les transports publics du Bandundu devaient être certainement mieux équipés. Voilà qui, par-delà tout sentiment de nostalgie, motiverait le retour d'Elikia dans son heimat.

— Et sinon… Elle est jolie ?
— Qui ?
— Ton date.
— Assez. Elle n'est pas canon-canon mais… Comment dirait-on ? Agréable à regarder.
— Tu la connais depuis longtemps ?
— Une semaine. C'est une de mes ex qui m'a envoyé son contact.
— Et tu as confiance en elle. En ton ex, je veux dire…
— Oui, oui. Nous sommes resté ami. Tant que nous étions ensemble nous nous détestions. Puis, depuis qu'il n'y a plus d'enjeux de couple, on s'entend très bien. Il n'y a pas à dire, c'est épuisant l'amour.

Tout ce que racontait Ramaad était vrai. Hormis la datation. Les éléments narratifs les plus récents remontaient à plus d'un an. Il avait rapidement improvisé un gloubi-boulga de sa vie sentimental pour assoupir les suspicions d'Elikiaa, tandis que le métro serpentait l'interminable ligne 8.

…suite au prochain épisode

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